La proxémie chez le chien : à partir de quelle distance perçoit-il une menace ?

La proxémie chez le chien : à partir de quelle distance perçoit-il une menace ?

Dans la grande majorité des sociétés animales, les contacts entre individus sont régis par des règles précises, qui ne sont pas forcément liées au territoire. La proxémie, concept évoqué dans les années 1960, est l'étude du rôle des distances dans ces relations interpersonnelles, étude qui permet également d'expliquer certains comportements du chien. 

Qu'est-ce que la proxémie ?

Qu'est-ce que la proxémie ?

La proxémie, ou proxémique, est un concept développé par l'anthropologue américain Edward T. Hall à partir de 1963. Ce néologisme désigne selon lui « l'ensemble des observations et théories que l'Homme fait de l'espace en tant que produit culturel spécifique », c'est-à-dire les distances sociales entre chaque individu pris dans une interaction.

 

Il détermine ainsi quatre distances chez l'être humain, le passage de l'une à l'autre étant marqué par des modifications sensorielles :

  • la distance intime (zone de moins de 40 centimètres dans laquelle il y a un réel contact, comme durant un acte sexuel ou une lutte) ;
  • la distance personnelle (sorte de bulle d'environ 1,75 mètre permettant de s'isoler des autres) ;
  • la distance sociale (zone d'environ 4 mètres où ont lieu les échanges sociaux) ;
  • la distance publique (zone à partir de laquelle l'individu ne se sent pas directement concerné).

 

Ces distances varient en fonction des individus, mais également des cultures (dans les pays latins, les distances entre les corps sont relativement courtes, alors qu'au Japon ou dans les pays nordiques, les contacts physiques sont rares et les distances plus importantes) ou des lieux (par exemple, la promiscuité est bien plus tolérée dans un ascenseur que dans un espace ouvert). 

 

Pour pouvoir survive, la plupart des animaux, notamment les vertébrés, ont des comportements dits primaires, comme boire, manger, se reproduire... Pour cela, ils doivent à la fois être en contact avec leurs congénères, pour la reproduction, l'élevage des petits, la chasse ou la défense du groupe, mais également s'éloigner pour gagner de nouveaux territoires où la nourriture est plus abondante et pour éviter la consanguinité. Des relations complexes s'établissent alors entre les individus d'une même espèce ou entre espèces différentes. 

 

Dans la plupart des sociétés animales, les contacts entre individus sont régis par des règles précises, qui ne sont pas forcément liées au concept de territoire. Ainsi, les applications de la proxémie chez les animaux permettent de définir également quatre notions :

  • la distance personnelle ou interindividuelle ;
  • la distance sociale ;
  • la distance de fuite ou de sécurité ;
  • la distance critique.

La distance personnelle ou interindividuelle chez le chien

La distance personnelle ou interindividuelle chez le chien

Entre individus d'une même espèce, la distance personnelle ou interindividuelle définit la distance normale au-delà de laquelle les membres se côtoient sans changement d'attitude. Certains animaux, comme le chien, le chat, le cheval ou encore l'être humain, exigent une certaine distance sans contact, alors que d'autres, comme le porc ou l'hippopotame, éprouvent la nécessité de l'entassement et du contact étroit. Chez ces derniers, la notion de distance personnelle ou interindividuelle n'existe tout simplement pas. 

 

Chez les animaux qui exigent une certaine distance personnelle sans contact, celle-ci se définit par une bulle protectrice dont le volume est variable et non figé. Elle peut en effet se contracter lors de contacts sociaux (allomarquage, soumission chez le chien, épouillage chez les singes...), de contacts entre une mère et son petit ou de contacts sexuels, mais aussi se dilater si l'animal souffre de trouble du comportement ou s'il est pris dans une interaction non amicale. Cette bulle peut également faire les deux en même temps, par exemple lors de la période de reproduction, quand les mâles se rapprochent des femelles, mais repoussent dans le même temps les autres mâles. 

 

Chez le chien, la notion de distance personnelle est visible dans son comportement. S'il a vu et a conscience de la présence d'une intrusion, il ne montre aucun signe d'inquiétude tant que cette dernière se situe au delà de ce seuil, car il est rassuré par la distance entre lui et l'autre.

La distance sociale chez le chien

La distance sociale chez le chien

La distance sociale est nécessaire pour que le groupe s'établisse et se maintienne. Au-delà de cette distance, un chien perd le contact avec son groupe, ce qui a vite fait de le mettre en situation d'anxiété ou de détresse psychologique. De fait, le chien, en tant qu'animal de meute, est fait pour vivre en groupe, et supporte assez mal la solitude

 

Pour autant, la sociabilité d'un animal est indépendante de la recherche de contact du corps. En effet, de nombreuses espèces qui vivent en groupe, comme les bancs de poissons, les meutes et troupeaux de mammifères ou encore les oiseaux, tel le flamant rose, sont des espèces de distance, c'est-à-dire des animaux qui exigent pour leur bien-être une certaine distance sans contact.

La distance de fuite ou de sécurité chez le chien

La distance de fuite ou de sécurité chez le chien

La distance de fuite ou de sécurité est une zone dont la pénétration provoque une prise de distance de l'individu dès lors qu'il se sent menacé, que la crainte porte sur son intégrité physique ou simplement sur son bien-être. Elle permet de se préserver des prédateurs, mais aussi de respecter les positions hiérarchiques et de conserver un territoire de survie.

 

Chez le chien, cette distance de fuite se situe entre 10 et 20 mètres. Dépendante de ses aptitudes propres et ses expériences, c'est la distance qu'il considère comme idéale pour pouvoir prendre la fuite devant un ennemi, sans encourir de danger. Tous les animaux ont cette notion ; par exemple, même l'être humain préfère ne pas trop s'attarder devant un rhinocéros ou un taureau qui charge. 

 

Le chien poursuivi se contente généralement de conserver cette distance de sécurité entre le prédateur qui s'approche (être humain ou animal) et lui. Il ne ressent pas trop d'angoisse ou de stress, puisqu'en lui, la volonté de fuite et d'attaque est en équilibre. C'est le comportement qu'adoptent certains chiens face à des maîtres qui n'ont pas assez de volonté pour se faire obéir ou qui brutalisent leur animal lorsqu'il revient vers eux. 

 

Pour diminuer la tension émotionnelle et maintenir l'autre au-delà de cette distance, le chien met en place des stratégies adaptatives. Il peut prendre la fuite, répondre par des postures de menace, par des postures d'apaisement et de soumission ou, plus rarement, s'immobiliser.

La distance critique chez le chien

La distance critique chez le chien

La distance critique est la limite en deçà de laquelle un animal met en place des stratégies ultimes de défense dans un unique but : la survie. 

 

Un chien saisi par la peur, acculé dans un coin et qui est dans l'impossibilité de fuir, risque en dessous d'une certaine distance de se mettre à attaquer, que l'autre soit beaucoup plus fort que lui ou non. L'agression violente et incontrôlée est alors accompagnée de morsures ou parfois d'une complète tétanisation du sujet (ne plus bouger ou faire le mort). Ce seuil de défense instinctive est présent également chez le chien surpris alors qu'il dort, qu'il mange ou lorsqu'il ressent une vive douleur (queue écrasée par inadvertance...). 

 

Les réactions neurovégétatives dues à la transgression de la distance critique peuvent être extrêmement violentes : 

  • de la tachypnée associée à de la tachycardie ;
  • une salivation accrue ;
  • de la transpiration ; 
  • des défécations ou des mictions émotionnelles ;
  • des tremblements ;
  • la vidange des glandes anales. 

 

Il est possible de donner une dimension sécurisante à cette distance critique en ayant recours à un subterfuge : interposer une barrière ou un grillage entre le chien et l'autre. Par exemple, les dompteurs ou les vétérinaires qui travaillent avec les grands fauves placent un bâton court en direction de la tête de l'animal, tandis que les éducateurs suisses utilisateurs de chien de travail se servaient auparavant de cette méthode pour éprouver le travail des chiens, alors non muselés, à la garde d'un objet en face d'un homme qui n'était pas protégé par un costume matelassé. Le bâton n'était ici qu'une arme de secours dans le cas où le chien abandonnait l'objet pour attaquer l'homme. 

 

Chez le chien domestique, la distance critique peut être évaluée entre quelques centimètres et un mètre, en fonction de son éducation ou de ses expériences. En effet, un chien bien sociabilisé, qui ne redoute pas ou peu les rencontres, peut voir sa distance critique être pratiquement nulle, alors que chez les chiens phobiques ou anxieux, cette distance est nettement plus grande, au point de prendre des proportions pouvant paraître inadaptées par rapport au danger réel. 

 

En revanche, chez les canidés sauvages comme le loup, et contrairement aux chiens domestiques qui ont appris à vaincre leur soumission instinctive vis-à-vis de l'Homme, la distance critique est annihilée par le respect profond qu'ils éprouvent pour les bipèdes, tels que les êtres humains ou les ours. D'ailleurs, les éthologues canadiens rapportent que lorsqu'un loup tombe dans une fosse créée par l'Homme pour capturer un autre animal, ils peuvent sans rien avoir à craindre prendre l'animal dans leurs bras et le sortir du piège, voire même qu'ils doivent ensuite le pousser pour l'obliger à s'éloigner des humains et prendre la fuite.

Conclusion

Chaque rencontre engendre chez le chien une grande émotion, susceptible de se manifester à travers son comportement. La survie et l'équilibre dans le groupe social auquel il appartient nécessitent de sa part une bonne connaissance des signaux et codes sociaux que les chiens utilisent pour communiquer entre eux. Mais en plus de celà, il doit également être capable de comprendre et interagir avec l'Homme, puisque c'est la condition de son existence auprès de cet animal grégaire ayant lui-même un sens de la hiérarchie et de la propriété très poussé.

Dernière modification : 11/21/2018.